Pour une démocratie directe

Épisode 8 : L’État au service du patronat

Subventions et cadeaux d’argent public

Mais bien sûr, ça ne s’arrête pas là ! C’est qu’un aperçu.

L’État ne se contente pas de prendre moins aux riches par l’impôt, mais il leur donne carrément de l’argent public, et utilise en fait l’argent public de toutes les façons possibles pour enrichir le patronat encore plus, autant qu’il peut. Sauf qu’il y a une petite difficulté : l’État ne peut pas trop se permettre de signer directement des chèques aux grand·e·s bourgeois·es, parce qu’ici aussi ça se verrait, et que l’État essaye de préserver (un peu) les apparences de l’impartialité.

Mais c’est pas très grave : de toute façon, ces grand·e·s bourgeois·es, pour l’écrasante majorité d’entre elleux, comme je le disais, c’est des grand·e·s patron·ne·s, donc des gens qui se sont enrichi·e·s et continuent de s’enrichir grâce aux entreprises qu’iels possèdent, et aux profits que ces entreprises génèrent grâce au travail de leurs salarié·e·s. Et donc il suffit à l’État de donner de l’argent à ces entreprises, et d’aider ces entreprises à faire du profit, de toutes les façons possibles, et dans tous les cas le fric finira par atterrir, d’une façon ou d’une autre, dans la poche des patron·ne·s et des actionnaires de ces entreprises.

Et l’avantage c’est qu’en faisant comme ça, le prétexte est tout trouvé : on a qu’à dire que c’est pour l’emploi !

Et donc l’État et les collectivités arrosent les entreprises de tout un tas d’aides et de subventions diverses et variées sous ce prétexte de soutenir « l’emploi » et de lutter contre le chômage (ou des fois d’autres prétextes, comme l’environnement), même si en pratique c’est souvent inefficace pour le but officiellement recherché et que ça ne crée pas réellement d’emplois. Mais on s’en fout parce que le but réel c’est de donner de l’argent public aux capitalistes, et tout ce que l’État cherche c’est un prétexte pour le faire.

L’exemple du CICE

L’exemple le plus célèbre de ça aujourd’hui, c’est peut-être le CICE mis en place par Hollande et compagnie, une énorme subvention aux entreprises sous forme de crédit d’impôt, et sous prétexte donc de créer des emplois. (« CICE » c’est pour « Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ».)

Et ici encore c’est une énorme arnaque. Même en imaginant que donner du fric à des entreprises puisse éventuellement-peut-être-dans-certains-cas-très-spécifiques créer des emplois, ici l’argent a été distribué en priorité à des très grosses entreprises, même quand elles n’en avaient pas « besoin » du tout et qu’elles étaient hyper bénéficiaires, et ça a créé très peu (voire pas du tout) d’emplois au total.

En cinq ans, le CICE a bénéficié en tout à près de six millions d’entreprises, dont, en nombre, une écrasante majorité de PME ou de très petites entreprises… sauf que, si on regarde la répartition de l’argent parmi les entreprises bénéficiaires, près de la moitié du fric au total est allé à des grandes ou très grandes entreprises (plus de 250 salarié·e·s), sous prétexte que ces grosses boites emploient beaucoup de personnes. Sauf que ces grandes entreprises sont aussi les moins fragiles financièrement, donc celles qui ont le moins « besoin » d’une aide financière… et donc celles à qui donner de l’argent risque le moins de créer des emplois, et risque le plus de finir directement en dividendes. Et en fait c’est ce qui s’est passé, vu que beaucoup d’entre elles étaient déjà largement bénéficiaires et n’avaient absolument pas besoin du CICE. En 2014 par exemple, des grands groupes comme Axa, L’Oréal, Total ou Vivendi ont chacun reçu des (dizaines de) millions d’euros d’argent public grâce au CICE, alors que ces quatre entreprises que j’ai citées ont chacune fait plus de quatre milliards d’euros de profits cette année !

Mais la palme va au groupe Carrefour, souvent cité, qui a reçu en tout 755 millions d’euros de CICE en 6 ans, et aurait créé en tout, accrochez-vous, 259 emplois sur la même période ! En tout hein, au niveau national. Et le groupe a même licencié, dans certaines branches, notamment la branche Carrefour Hypermarchés, qui avait reçu quand même 428 millions d’euros à elle seule, mais a supprimé 1875 emplois ! Et c’est pas fini puisque le groupe a annoncé des milliers de suppressions de postes supplémentaires pour les années à venir. Donc pour l’emploi on repassera.

Par contre, ça vous rassurera peut-être d’apprendre que le groupe Carrefour a réussi grâce à cet argent à maintenir les dividendes de ses actionnaires, malgré la chute du résultat de l’entreprise ! Vous voyez, cette grande mesure du quinquennat Hollande n’a pas servi totalement à rien.

Bien sûr, le groupe Carrefour n’est pas un cas isolé, mais juste un exemple parmi d’autres de cet immense foutage de gueule.

Et pour ce qui est des emplois créés… selon les évaluations les plus optimistes (évaluations pilotées par un ancien conseiller de Hollande, c’est dire si elles doivent être neutres et impartiales…), le CICE aurait « créé et sauvegardé » (pour reprendre leur formule…) autour de 100 000 emplois au total, à la louche.

Alors deux remarques là-dessus

  1. Bon alors déjà, j’adore la formulation qui parle d’emplois « créés et sauvegardés », ce qui ne veut rien dire. En fait les gens qui utilisent ce genre de formule, c’est le genre de personne à prétendre que si on supprime mille emplois ce serait limite une victoire, parce que sans leur subvention on en aurait peut-être supprimé deux mille à la place. Ce qui est à peu près invérifiable bien sûr, mais c’est toujours la même stratégie qui est utilisée à chaque fois qu’on distribue de l’argent public à tort et à travers à des entreprises sous prétexte d’« emploi » mais que ça ne crée pas vraiment d’emplois : il suffit de prétendre que ce serait pire si on l’avait pas fait, et qu’à la place des emplois auraient carrément été supprimés !
  2. Mais même si l’argument était valable et qu’on admettait ce chiffre très optimiste d’une centaine de milliers d’emplois « créés ou sauvegardés » grâce au CICE, c’est absolument dérisoire par rapport à tout le fric que ce dispositif a coûté ! Le CICE a coûté en gros entre 15 et 20 milliards d’euros par an. Donc divisé par « à peu près 100 000 emplois », la division est à peu près facile à faire, ça veut dire que chaque emploi « créé ou sauvegardé » comme ça aurait coûté entre 150 000 et 200 000 euros d’argent public par an, ce qui est proprement énorme !

(Cf. aussi cette page du site Rapports de Force pour d’autres infos et une estimation similaire.)

À titre de comparaison, en 2014, le journal de droite Le Point estimait le coût d’un·e fonctionnaire pour l’État à 48 000 € par an en moyenne, dans un article à charge qui sent la mauvaise foi crasse à plein nez, où iels ont très probablement exagéré les coûts pour servir leur propos. Mais admettons ici encore leur chiffre : même selon cette estimation haute du coût d’un·e fonctionnaire, les emplois (supposés) du CICE auraient donc coûté trois à quatre fois plus cher que des emplois de fonctionnaires, dont on nous explique pourtant sans arrêt que ce serait du gaspillage d’argent public ! Donc inutile de dire que si le but réel du CICE avait vraiment été l’emploi, cet argent aurait été bien mieux utilisé, au hasard, à embaucher directement des fonctionnaires, ce qui aurait permis donc de créer au moins trois à quatre fois plus d’emplois avec le même budget, tout en améliorant la qualité des services publics pour tout le monde au passage !

Mais c’est pas le cas bien sûr, le but réel c’est d’enrichir le patronat autant que possible, évidemment.

Et puis ici encore, ça va vous surprendre, mais il y a eu zéro transparence sur la façon dont l’argent a été distribué précisément. C’est fou, mais il n’existe en fait même pas de liste officielle publique de quelles grandes entreprises ont touché combien d’argent au total ! Les chiffres de 2014 qu’on a et que j’ai cités, c’est uniquement parce que certaines grandes entreprises avaient accepté de révéler à la presse combien elles avaient touché par ce dispositif (au site le journaldunet.com qui les avait sollicitées), mais c’est apparemment la dernière année pour laquelle on a ce type de chiffres. Et pour les chiffres de l’argent qui est allé au groupe Carrefour, ceux-là sont connus uniquement parce que la CGT leur a fait un procès, et que le groupe Carrefour a été forcé de les communiquer à la justice ! Donc vous vous rendez compte qu’on a des dizaines de milliards d’euros d’argent public (hein, notre argent) que l’État distribue chaque année aux quatre vents à des entreprises sous plein de prétextes, mais que la population n’a même pas de moyen de savoir précisément est parti cet argent ?

C’est dire à quel point les gens qui ont mis ça en place ont confiance dans l’efficacité de leur dispositif…

Même logique pour d’autres grandes aides comme les aides « Covid » de 2020 par exemple : fin 2020, le gouvernement a mis en place un gros plan de « relance » de l’économie de cent milliards d’euros, pour (supposément) aider les entreprises qui ont vu leur chiffre d’affaires plonger à cause de l’épidémie. Sauf que, surprise !, ici aussi, ce plan a surtout bénéficié à des grosses entreprises industrielles, qui étaient loin d’être les plus impactées par la crise, mais pas aux petits commerces, qui étaient pourtant les plus durement touchés. Et ça c’est un schéma qu’on retrouve souvent : non seulement l’État est toujours du côté des capitalistes et des entreprises, au détriment du reste de la population, mais parmi ces capitalistes et ces entreprises, l’État favorise toujours les plus gros·se·s, et favorise toujours les plus grandes entreprises par rapport aux autres.

Pourquoi ? Parce que ce sont les plus grosses entreprises qui corrompent le plus, évidemment, celles qui possèdent les médias dont dépend la carrière des politicien·ne·s, celles qui peuvent promettre les pantouflages les plus intéressants aux élu·e·s, etc.

Les marchands d’armes financés par l’argent public

Un autre exemple de grosses subventions que je voulais citer : c’est quand l’État finance des marchands d’armes comme Dassault à coups de milliards d’euros d’argent public, et lui achète ses armes au prix fort. En 1971 par exemple, l’avion Mirage de Dassault se vendait 7 millions de francs à l’exportation, mais l’État français les achetait généreusement 13 millions de francs pièce, presque le double ! Pour le Rafale, le successeur du Mirage, l’État français s’était carrément engagé contractuellement pendant vingt ans à acheter l’ensemble de la production annuelle de Dassault, si jamais il ne se vendait pas à l’international. Ce qui s’est produit en fait, et donc pendant vingt ans l’armée de l’air française a acheté plusieurs centaines d’avions Rafale en tout !

Et si tout ça ne suffisait pas, l’État français file aussi régulièrement du fric à la société Dassault juste pour l’aider à le « moderniser », ce fameux Rafale, et l’équiper des technologies les plus récentes, afin qu’il ait plus de chances de se vendre à l’international. Et là non plus on parle pas de petites sommes : l’État français a comme ça investi, accrochez-vous, 800 millions d’euros en 2014, et puis 1.9 milliards d’euros de plus en 2019, à chaque fois pour financer la « modernisation » de l’avion, au seul bénéfice de l’entreprise Dassault !

Et tout ça a fini par payer, puisque maintenant il se vend à l’international. Dassault vend même ses armes à des dictatures qui assassinent et torturent leur population, comme l’Égypte, qui a utilisé des armes françaises pour réprimer dans le sang les manifestations contre le régime. Et tout ça grâce à l’argent public français !

Un océan de petites subventions

Bien sûr, ces grosses aides comme le CICE ou les grands plans de relance, c’est loin d’être les seuls exemples de subvention. En plus des « grosses » subventions comme celle-là, l’État et les collectivités financent aussi les entreprises par l’argent public de plein d’autres façons !

En fait il y a tout un maillage de subventions à petite, moyenne, et grande échelle sur tout le territoire, pour des entreprises de toutes tailles, et par toutes sortes d’organismes publics. Et vous avez comme ça des start-up par exemple qui arrivent à récolter littéralement des millions d’euros de financement public, et à vivre pendant des années uniquement de ce financement public, même quand elles produisent rien d’utile (ou qu’elles produisent du vent), juste en allant grappiller des subventions à droite et à gauche : au département, à la région, à l’UE, à tel ou tel organisme public… Hop, 30 000 euros par ci, 200 000 par là… À partir du moment où vous êtes étiquetée entreprise « innovante » (et que vous connaissez les bonnes personnes, bien sûr…), l’argent public coule à flots, même pour financer du vent.

Les subventions aux médias privés et à la presse

Autres subventions encore : les subventions aux médias privés et à la presse. Vous savez que les capitalistes achètent des médias privés pour l’influence que ça leur rapporte et la propagande que ça leur permet. Sauf que les médias, c’est pas toujours très rentable, notamment les titres de presse papier, et beaucoup d’entre eux sont même carrément déficitaires et perdent de l’argent. Hé ben l’État est sympa, et pour que les capitalistes ne perdent pas trop d’argent dans l’opération quand même, il leur rembourse avec de l’argent public une partie de ce que leur coûtent leurs organes de propagande !

Et évidemment, ici encore, ces aides à la presse bénéficient surtout aux plus riches propriétaires : en 2013, les cinq quotidiens nationaux les plus lus (Le Figaro, Le Monde, Aujourd’hui en France, Libération et Les Échos), se sont partagés à eux-seuls plus de 57 millions d’euros de subventions annuelles, alors que leurs quatre propriétaires (Bernard Arnault, Serge Dassault, Patrick Drahi et Xavier Niel) faisaient partie des premières fortunes françaises, pour une fortune totale cumulée de 76 milliards d’euros à eux quatre à l’époque ! (Source : « On ne prête qu'aux (patrons de presse) riches », Le Canard Enchaîné, le 26/08/2015. Un scan de l’article est lisible ici.)

Dans le même genre, le remboursement de 66 % des dons faits aux partis politiques et aux associations, sous forme de… crédit d’impôt ! J’en avais déjà parlé, ça ne bénéficie qu’à celleux qui payent des impôts directs, donc aux riches, et ça permet comme ça aux bourgeois·es d’acheter de l’influence politique pour moins cher.

Du coup, l’influence du patronat sur le pouvoir politique lui coûte donc en réalité peu, puisqu’on fait en sorte qu’une partie du coût lui soit remboursée par de l’argent public !

Les subventions « indirectes »

Après, il n’y a pas que les subventions directes, et vous avez aussi tout un tas d’aides et de subventions indirectes aux capitalistes, quand l’État donne de l’argent aux client·e·s ou aux consommateurs·trices à condition qu’iels achètent tel produit ou tel type de service, c’est en fait un moyen de faire financer par l’argent public une partie du prix de ces produits et services… et donc de permettre aux capitalistes de les vendre plus cher que ce qu’iels pourraient sans ça.

Je vais prendre l’exemple des APL (l’« Aide personnalisée au logement »). C’est une aide de l’État pour les personnes précaires, pour les aider à payer leur loyer.

L’intention (affichée) est louable, hein… Sauf que, en pratique, l’existence des APL permet aussi aux proprios de demander des loyers plus élevés que ce qu’iels pourraient sans ça.

Je schématise, mais imaginez que, sur une zone géographique donnée, les plus pauvres ont en moyenne un budget de, mettons, 300 euros pour se loger, et peuvent pas vraiment payer plus que ça. Ben les propriétaires des logements les « moins bien » de cette zone géographique vont progressivement être obligé·e·s d’aligner leurs prix sur ces 300 euros, et pourront pas demander beaucoup plus cher que ça, sinon iels pourront pas louer leurs logements et iels gagneront pas d’argent du tout. (C’est le fameux principe de l’offre et de la demande, vous connaissez.) Maintenant, si, pour se loger, les plus pauvres ont en moyenne un budget de 300 euros plus 200 euros d’APL, hé ben les propriétaires de ces logements pourront demander plus d’argent, et iels continueront de trouver des locataires quand même. Pas forcément jusqu’à 500 euros, mais iels pourront demander un peu plus quand même que ce qu’iels auraient pu sans ces aides.

Alors bon, sur le sujet il y a pas un consensus et une certitude absolue, mais la plupart des études qui ont été menées sur le sujet semblent quand même aller dans le même sens, que les APL participeraient à l’augmentation des loyers.

L’étude la plus pessimiste qu’on a, qui date de 2006, estimait même que chaque euro d’APL supplémentaire générait une augmentation de 78 centimes d’euro de loyer en moyenne ! Donc les trois quarts du fric dépensé !

Donc même s’il n’y a pas ici de consensus ni de certitude absolue, on peut supposer quand même que les APL participent globalement à l’augmentation des loyers sur le long terme, en créant des gros effets d’aubaines pour les propriétaires. Ici le prétexte est d’aider les locataires, mais c’est en réalité une mauvaise façon de le faire, et sur le long terme c’est contre-productif.

Attention, ça ne veut pas dire qu’il faudrait supprimer les APL d’un coup et les remplacer par rien du tout hein, comme avait tenté de le faire la macronie !

Pour plein de raisons, mais entre autres parce que l’effet d’augmentation des loyers n’est pas immédiat, mais se fait sur plusieurs années. Et donc si vous coupez dans les APL, il faudrait plusieurs années avant que leur baisse se répercute (un peu) sur les loyers, et que les loyers commencent à baisser un peu, donc en attendant, les pauvres se retrouvent encore plus dans la merde.

Non, la vraie solution en fait ce serait de réguler les loyers par la loi, évidemment ! Ou carrément, que le logement devienne un service public gratuit pour tout le monde, et qu’il arrête d’être soumis à la loi du marché et d’enrichir des capitalistes, vu que c’est un bien de première nécessité après tout. Mais bien sûr, tout ça n’arrivera pas tant que l’État est au service des capitalistes, vu que le but de ce fonctionnement, c’est précisément de les enrichir.

Les autres aides à la consommation

Et des « aides » à la consommation qui fonctionnent sur le même modèle que les APL, on en retrouve dans pas mal d’autres domaines, avec des subventions « indirectes » qui visent à doper artificiellement la demande, et les mêmes effets pervers qui permettent aux capitalistes à la fois de vendre plus et d’augmenter leurs prix.

Les primes à la conversion automobile par exemple (dites « primes à la casse »), ça fonctionne un peu pareil, et ça a plein d’avantages pour les marchands de bagnoles :

  1. Ça encourage les gens à acheter des voitures récentes. Donc surtout des voitures neuves, ou à la limite des voitures d’occasion assez récentes, mais surtout pas les voitures d’occasion les plus anciennes (qui sont les moins chères).
  2. Ça augmente le budget moyen des acheteurs·euses potentielles de voitures, donc, et du coup ça permet aux vendeurs de pratiquer des prix plus hauts en général, vu que la différence est financée avec de l’argent public (comme les APL font augmenter les loyers, même mécanisme).
  3. Encore mieux, et ça c’est génial, la prime à la casse encourage à détruire les anciennes voitures, plutôt que de risquer de les retrouver sur le marché de l’occasion, ce qui ferait encore plus baisser les prix des bagnoles d’occasion en général (vu qu’il y aurait plus d’offre). Et donc ça ferait encore plus concurrence aux voitures neuves, qui devraient elles aussi baisser leurs prix au final, vu que les voitures d’occasion et les voitures neuves sont en concurrence sur le même marché quand même…

Or, là, avec la prime à la casse, les gens sont encouragé·e·s à détruire leurs anciennes voitures plutôt que les revendre, du coup on a de plus en plus de voitures détruites, année après année. Et donc de moins en moins de voitures qui se retrouvent sur le marché de l’occasion, et donc, de moins en moins d’offre, pour toujours autant de demande. Et donc, hé ben des prix qui montent, mécaniquement !

Donc vous voyez, on fait d’une pierre plusieurs coups ! Le résultat de tout ça c’est que les prix des voitures arrêtent pas d’augmenter, année après année, parce que d’un côté le budget des acheteurs·euses est un peu plus élevé grâce aux aides, et surtout de l’autre côté, il y a de moins en moins de voitures en vente sur le marché de l’occasion (vu qu’elles sont détruites), et tout ça tire globalement les prix de toutes les voitures vers le haut, y compris des voitures neuves, et du coup les prix des voitures neuves arrêtent pas d’augmenter ! Tout bénef’ pour l’industrie automobile !

Et au final c’est une catastrophe pour l’environnement aussi, même si on nous le vend souvent comme un truc écolo. Parce que même si les nouvelles voitures sont en moyenne un peu moins polluantes et consomment un peu moins d’essence que les anciennes, ce dispositif encourage quand même la production de nouvelles voitures en masse, production qui est elle-même super polluante et qui nécessite plein de matières premières et d’énergie fossile aussi. Donc les petites économies de consommation et de pollution faites à l’utilisation de ces voitures ne compensent absolument pas ça. Ici encore, la vraie solution qui bénéficierait au plus grand nombre, ce serait surtout pas d’encourager la dépendance à la voiture, qui est très énergivore, polluante et coûteuse pour tout le monde, mais au contraire d’investir tout ce fric dans des transports en commun de qualité, correctement dimensionnés, et gratuits et accessibles à toute la population.

À chaque fois, pour tous ces exemples que j’ai cités, on prétend que c’est pour aider les gens qui louent (ou qui achètent), sauf qu’il y aurait d’autres façons de faire la même chose (ou mieux) pour moins cher, sans enrichir des entreprises privées au passage, en finançant la même chose sous forme de services publics, pour qu’il y ait pas une partie du fric qui atterrisse dans la poche des actionnaires. Mais évidemment c’est pas le but, et l’État et les collectivités ne veulent surtout pas faire ça ! Enrichir les capitalistes c’est bien leur objectif, et c’est pas du tout un accident si iels choisissent de faire les choses de cette façon !